“ En Coly ”

Évoquer du passé pour mieux interpréter le présent, les relations entre paysage, faune, flore, architecture et histoire.

Còli, nom du cours d’eau, issu probablement du pré-celtique kol «frais» ; occitan En, préposition locative.

Ce morceau du Périgord Noir, qui commence sur le causse du Terrassonnais, se prolonge au delà du Coly dans l’âpreté d’un relief de pierraille, parsemé de jarrissade. Austère paysage qu’animent des combes ou de verdoyants vallons.

Pays qui sera trop souvent l’objet de la convoitise des féodaux ; alors les seigneurs abbés de Saint-Amand de Coly ou ceux de Terrasson ne cesseront de proclamer l’immunité de la fondation royale et d’en appeler à la sauvegarde de la monarchie.

Sur ces domaines considérables, les religieux érigeront des églises où ils assureront le service divin, afin d’attirer et d’établir là les habitants. Dans ces contrées déshéritées, les abbayes de Saint-Amand ou de Terrasson distribueront des manses incultes, en contrepartie de quelques minces redevances en nature.

Là comme ici, l’histoire du bourg ou du village commence avec son église, bâtie par les soins des religieux dans les premiers siècles du moyen âge. C’est autour de ces humbles ermitages ruraux, avec leurs coins de terre bénite où dormaient les ancêtres, que l’habitat se groupera et se développera en formant les paroisses.

Les bénéficiaires de ces concessions « se feront les hommes » de l’abbaye qui les a mis en possession d’un usufruit total et héréditaire sur lequel personne, excepté les moines ou les chanoines, n’a rien à prétendre. Personne d’autre que l’abbé ne pourra, en quoi que ce soit, contraindre ces tenanciers ; ils sont d’ailleurs dotés de coutumes et bénéficient, eux et leurs biens, de l’immunité abbatiale.

Ici, les gens de la terre vécurent sous la crosse et malgré tout, on était mieux sur cette terre d’église et plus en sûreté. D’autre part, le droit d’emphytéose assurait la continuité de la famille ; conditions initiales « perpétuelles ».Ce monde rural, profondément christianisé, tenait aussi du seigneur abbé son antique chapelle et son pasteur. Il vénérait les mêmes saints, parlait le même langage, suivait les mêmes usages.

Si aucun document ne nous révèle la provenance de cette terre d’église, nous pensons nous retrouver là sur l’ancien territoire du Monastorium Génuliacense qui aurait été partagé vers le onzième siècle, pour former les deux seigneuries abbatiales : la bénédictine de Terrasson et l’augustine de Saint-Amand, que l’on appelait encore Saint-Amand de Genouillac en 1048 ; la dénomination de Saint-Amand de Coly apparaîtra plus tard avec le château abbatial de Coly. Si la date de construction du château de Coly n’est pas connue, il est raisonnable de la situer à la fin du 12è siècle ; Il serait donc contemporain à la construction de l’abbatiale. Le château était le domaine de l’abbé et son fief administratif où étaient détenues les livres terriers et les archives et où il recevait les hommages qui lui était dus ; Tandis que les affaires du spirituel se réglaient à Saint-Amand, dans la salle capitulaire du monastère.

Le lointain passé de Saint-Amand fut lié à une communauté de moines, déjà établie au milieu du VIè siècle, dans un domaine périgourdin dénommé Génulicus.

C’est de cette villa mérovingienne, que Sore et Amand, accompagné de Cyprien, partirent évangéliser ce pays encore païen. Ils y trouveront les maîtres et les serfs et ils en feront les premiers chrétiens de ces temps obscurs, pour une société meilleure. Le territoire allodial qui dotait cette mission provenait du domaine royal et, bien que par la suite il ait été partagé sur les limites d’un ruisseau (le Coly), il resta de part et d’autre sous la protection du Souverain.

( André Delmas : l’Abbaye de Saint-Amand de Coly en Périgord Noir )